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Décision de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans le secteur public fédéral: Lukits c. Conseil du Trésor

20 mars 2019 • Comité des griefs de l'APCMC

Traduction non-officielle de l’APCMC. • Le 13 mars 2019, la Commission des relations de travail et de l’emploi du secteur public fédéral (la “Commission”) a rendu sa décision tant attendue dans cette affaire. La décision porte sur un grief déposé par le membre de l’APCMC, M. Steven Lukits, PhD, UT du département d’anglais du Collège militaire royal du Canada (“CMR”). M. Lukits avait déposé le grief après que le Recteur du CMR, M. Harry Kowal, PhD, lui ait ordonné de remettre ses notes de cours conformément à une demande d’accès à l’information (AAI).

Contexte

M. Lukits a rejoint le CMR à titre d’UT à temps plein en juillet 2002. Le 22 mars 2013, le coordonnateur de l’AAI a adressé une demande à l’Académie canadienne de la Défense (ACD) concernant « du matériel de cours, des diapositives de conférences, des documents, des modules de cours et des notes manuscrites préparées pour et / ou par M. Steven J. Lukits, PhD … » pour le cours anglais ENE 453 (War Literature II).

Aux termes des paragraphes 2(1) et 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information, (LAAI), l’accès est fourni aux « documents sous le contrôle d’une institution fédérale ». Il n’a pas été contesté que le CMR était une « institution gouvernementale » aux fins de la LAAI. La question principale était de savoir si les notes de cours M. Lukits étaient sous le contrôle du CMR.

M. Lukits et M. Sokolsky, PhD, alors Recteur, se sont rencontrés et, bien que d’autres éléments de la demande aient été volontairement fournis, ils ont convenu que les notes de cours n’étaient pas sous le contrôle de l’institution. Cependant, un avis du JAG a contredit cette opinion et M. Lukits a contacté son syndicat, l’Association des professeur(e)s des collèges militaires du Canada (APCMC) pour demander conseil et assistance. Le 5 avril 2013, l’APCMC, représentant désormais M. Lukits, a écrit au Recteur Sokolsky pour demander au Collège de « cesser ses efforts pour contraindre la production du matériel de cours du professeur Lukits ». Le Recteur Sokolsky a écrit au bgen Tremblay, alors Commandant du CMR, en accord avec la position de ne pas remettre les notes. En 2013, M. Kowal a remplacé M. Sokolsky en tant que Recteur. Le 5 novembre 2013, le plaignant a reçu une lettre datée du 29 octobre 2013 lui ordonnant de remettre ses notes de cours. La réponse du Recteur Kowal fut que le plaignant devait obéir à cet ordre, avec menace de discipline. M. Lukits a fourni ses notes et le syndicat a déposé un grief. (À noter qu’après une longue discussion et maintes communications le 15 février 2017, M. Lukits a reçu une confirmation écrite que ses notes ne seraient pas publiées avant le résultat de la décision).

L’affaire

Deux audiences ont eu lieu sur cette affaire, en 2015 et en 2017. La première audience portait sur l’objection de l’employeur à la compétence de la Commission pour entendre l’affaire, objection rejetée dans la décision 2017 CRTESPF 6.

Dans la deuxième audience, l’avocat de l’APCMC a fait valoir, sur la base de la preuve documentaire et orale, que les notes de cours appartiennent au professeur seul, et donc ne peuvent pas faire l’objet d’une demande d’accès à l’information. Quatre professeurs ont témoigné qui enseignaient ou avaient enseigné au Collège. Tous leurs témoignages ont concordé sur le sujet, ce que l’arbitre a résumé comme suit :

  • Ils croyaient tous que les notes qu’ils avaient préparées pour leurs cours magistraux étaient leur propriété personnelle;
  • Le Collège ne leur a pas demandé de préparer des notes de cours pour leurs cours ou leurs cours magistraux;
  • Les notes étaient présentées sous une forme abrégée à utiliser en guise d’aide-mémoire;
  • Le Collège ne leur a pas demandé de communiquer leurs notes de cours à qui que ce soit;
  • Le Collège ne leur a imposé aucune norme en ce qui concerne la rédaction ou la conservation des notes de cours;
  • Rien ne leur avait jamais indiqué que le Collège utilisait leurs notes de cours de quelque manière que ce soit ou que ces notes étaient de quelque manière intégrées dans son dossier;
  • Rien ne leur avait jamais indiqué que le Collège s’était fié à leurs notes de cours pour quelque raison que ce soit;
  • Ils conservaient leurs notes de cours dans les locaux du Collège; et
  • Certains ont gardé des notes de cours à la fin d’une année scolaire et d’autres les ont détruites (Lukits v. Treasury Board, 2019 FPSLREB 32, p. 36-37).

En réalité, les notes n’étaient pas sous le contrôle du Collège et ne pourraient donc pas faire l’objet d’une demande d’accès à l’information.

Le syndicat a en outre soutenu qu’un ordre de production des notes violait les articles 5 et 8 de la convention collective (Liberté universitaire et pratiques passées).

L’employeur a fait valoir que, M. Lukits étant un employé du gouvernement et que ses notes de cours étaient liées aux « matériel de préparation pour les cours enseignés par le plaignant » dans l’exercice de ses fonctions, elles étaient soumises à la Loi sur l’accès à l’information.

La décision du conseil

Le résultat dépendait au final de la réponse de la Commission à cette question: « Les notes de cours sont-elles soumises à la LAAI? » (Lukits v Treasury Board, 2019 FPSLREB 32, p. 31).

L’arbitre de la Commission s’est appuyé à la fois sur les témoignages documentaires et oraux et sur le fait qu’ « aucune preuve présentée ne laissait supposer le contraire de la preuve présentée par le plaignant et Mmes Delaney, Boulden et Errington en ce qui concerne les notes de cours » (Lukits v Treasury Board, 2019 FPSLREB 32, p. 37). L’arbitre a déclaré: « … il est clair pour moi que les professeurs, et non le Collège (institution gouvernementale), maintiennent le contrôle des notes de cours » (Lukits v Treasury Board, 2019 FPSLREB 32, p. 37).

La Commission était également convaincue que l’APCMC avait démontré la violation de l’article 8 (pratiques passées) en ce qui concerne les notes de cours.

La Commission a également convenu avec l’APCMC que l’employeur avait violé l’article 5 (liberté universitaire), « … comme ce serait une tentative de l’employeur de forcer la production de matériel créé pour et dans le cadre de l’enseignement et de la recherche qui est par ailleurs protégé par le principe de la liberté universitaire » (Lukits v Treasury Board, 2019 FPSLREB 32, p. 41).

L’ordonnance de la Commission est simple et se trouve aux paragraphes 153 à 156 de la décision:

[153] Le grief est accepté
[154] L’employeur a violé la convention collective.
[155] L’employeur est obligé de retourner au plaignant toutes les copies des notes de cours.
[156] Les notes de cours telles que présentées en preuve sont mises sous scellés.

Les points importants à retenir pour les membres de l’APCMC

La Commission a maintenant confirmé que les membres de l’APCMC sont propriétaires de leurs notes de cours et ne peuvent pas être obligés de les produire pour répondre à une demande d’AAI, car elles ne sont pas considérées comme des documents ou des dossiers placés sous le contrôle du gouvernement du Canada. Une telle demande violerait non seulement nos pratiques passées, mais également notre liberté universitaire.

Le texte intégral de la décision provenant du site de la Commission est disponible ici.